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10/13/2024

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La SEC contre l'industrie crypto : origines et perspectives d'une croisade sans fin

Le 13 juillet 2023, les cris de joie du camp crypto ont accueilli le verdict dans l’affaire opposant la Securities and Exchange Commission (SEC) à Ripple. En effet, la Juge de New-York Analisa Torres venait...

La SEC contre l'industrie crypto : origines et perspectives d'une croisade sans fin

Le 13 juillet 2023, les cris de joie du camp crypto ont accueilli le verdict dans l’affaire opposant la Securities and Exchange Commission (SEC) à Ripple. En effet, la Juge de New-York Analisa Torres venait de donner en partie raison à Ripple. Mais surtout, elle venait de rendre une décision historique : le XRP de Ripple n’est pas une security.

Naturellement, la SEC a fait appel, le 2 octobre 2024. Car l’enjeu n’est pas de savoir si Ripple Labs est coupable, mais d’avoir une décision rendue par une cour d’appel ou par la Cour Suprême pour faire jurisprudence et définir une fois pour toute le cadre légal des cryptomonnaies aux États-Unis d’Amériques.

Revenons sur les premiers pas de la SEC dans le monde de la crypto, sur ce que son combat est devenu aujourd'hui et sur ce que ce dernier laisse présager pour les années à venir.

En 2013, la SEC joue son rôle de régulateur et protège les investisseurs

Si aujourd’hui la SEC est très mal vue dans le Web3, ce ne fut pas toujours le cas.

La première fois que la SEC a croisé le chemin d’un projet crypto, c’était en 2013. Le fondateur du projet visé par le régulateur, un certain Trendon T. Shavers, proposait aux internautes d’investir dans son entreprise, la Bitcoin Savings and Trust (BTCST), pour bénéficier d’un retour sur investissement mensuel garanti de 7 %.

Depuis, le gendarme boursier américain a poursuivi de nombreux projets. Entre 2013 et 2018, il s’attaque sans relâche aux différentes arnaques qui fleurissent à mesure que le marché grossit. Puis arrive la période des Initial Coin Offerings (ICO). En parallèle de projets merveilleux, une galaxie de scams voient le jour. Tous ceux qui ont vécu cette période s’en rappelleront.

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Pourquoi la Security and Exchange Commission poursuit-elle les entreprises Crypto ?

La SEC est l’autorité chargée d’encadrer les securities – les instruments financiers, actions et obligations par exemple. Elle cherche à savoir si un actif est une security. Si c’est le cas, elle va exiger un certain niveau de conformité.

Du côté des cryptomonnaies, les acteurs ne veulent pas que leurs produits soient catégorisés comme des securities, souvent parce qu’ils ne se sont pas enregistrés auprès du régulateur car les démarches sont laborieuses et coûteuses. Et si la SEC considère qu’ils auraient dû s’enregistrer, ces derniers vont au devant d’une amende potentiellement mortelle.

Dans le cadre des cryptomonnaies, avant le procès de Ripple, il n’y avait pas de définition claire de ce qu'est une cryptomonnaie.

« Cette incertitude complique la tâche des entreprises du secteur, menant à de nombreux litiges et à une situation réglementaire floue, la SEC statuant souvent au cas par cas, créant ainsi de l’instabilité pour l'ensemble du marché, » nous explique Daniel Arroche, avocat associé chez d&a partners.

Ainsi, sans réel cadre, la SEC est forcée de faire au cas par cas. Elle utilise un outil vieux de 80 ans, le test d’Howey, pour déterminer si la vente d’un token constitue une vente de security.

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Qu’est-ce que le test d’Howey ?

« Aux États-Unis, la question clé est de savoir si les crypto-actifs sont des "securities" selon le test d’Howey, ce qui les soumettrait à la juridiction de la SEC, » nous explique Daniel Arroche.

Le test d’Howey fait référence à une décision de la Cour Suprême des États-Unis rendue en 1946, l’affaire SEC v. W.J. Howey Co., 328 U.S. 293 (1946).

« Si c'est le cas, leur offre doit respecter les mêmes obligations que pour les titres traditionnels, comme en matière d'enregistrement, de transparence et de protection des investisseurs. » Des mesures mises en place dans la foulée de la crise de 1929 afin de protéger les investisseurs.

Pour savoir si un actif est une security, il doit réunir les 4 caractéristiques suivantes :

Un investissement d'argent (1) dans une entreprise commune (2) avec l'attente d'un profit (3) qui provient des efforts d'autrui (4).

Quand un actif remplit ces 4 critères, c’est un investment contract – contrat d’investissement – et donc une security.

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Entre 2013 et 2020, la SEC poursuit les ICO frauduleuses et assainit l’écosystème des cryptomonnaies

Une affaire illustre cette action positive de la SEC pendant la période des ICO.

Entre juillet et septembre 2017, Tomahawk (TOM) procède à une Initial Coin Offering. L’entreprise se présente comme un projet de prospection et de forage de puits de pétrole dans le sud des États-Unis. Elle est dirigée par David Thompson Laurance, condamné dans une affaire de fraude et d’arnaque en 1993, et fraîchement sorti de prison.

Après avoir échoué à lever des fonds sur les marchés classiques pour son projet de forage, il décide d’ajouter une « touche » de Web3 à ce dernier et ainsi profiter de la hype des ICO.

Tomahawk a promu son ICO en mettant en avant des rendements élevés et des risques faibles, en affirmant que son token, le TOM, était soutenu par les profits de sa société pétrolière, Tomahawk Exploration LLC.

Autrement dit, Tomahawk (TOM) était une security.

L’affaire n’a pas été difficile à juger pour la SEC. Le fondateur n’était pas un génie du mal, mais plutôt un petit escroc.

Ce qu’il est intéressant de noter dans cette affaire et dans les autres, c’est que le gendarme boursier américain utilise les déclarations sur les réseaux sociaux et dans le whitepaper comme preuve à charge contre les accusés. Lorsque l’entreprise promeut le projet sur les réseaux, elle accumule des preuves contre elle.

Le point de bascule : le procès Ripple, décembre 2020

Cette affaire illustre bien le rôle de la Security and Exchange Commission avant le procès Ripple.

En l’absence de cadre, il revient aux enquêteurs de la SEC de se faire une opinion sur la nature de chaque projet crypto. Et leur seul outil pour cela est un arrêt de la Cour Suprême datant de 1946, le test d’Howey.

C’est dans ce contexte qu’arrive le procès contre Ripple. Il s’agit de trancher une fois pour toute sur le statut des cryptomonnaies. C’est pour cette raison que le procès est si retentissant dans la communauté crypto : c’est là que va se jouer le sort de l’écosystème.

En décembre 2020, la Securities and Exchange Commission, alors présidée par Jay Clayton – Républicain – siffle le coup d'envoi de ce qui va devenir le procès des cryptomonnaies. Le gendarme boursier américain poursuit l’entreprise Ripple Labs, Inc. mais aussi Chris Larsen et Brad Garlinghouse, respectivement cofondateur et PDG de l'entreprise émettrice du XRP.

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Les enjeux du procès des cryptomonnaies

Pour rappel, c’est au mois de décembre 2020 que débute officiellement le bullrun. Le Bitcoin (BTC) vient de gagner 647 % depuis un krach éclair au moment du Covid-19. Il franchit son sommet historique de 20 000 dollars en novembre 2020, mettant fin à un bear market qui dure depuis le 14 Décembre 2017.

Le monde de la crypto voit donc ce procès comme une tentative de tuer dans l'œuf le bullrun naissant.

D’autant que c’est le procès des crypto qui se joue là. L’enjeu est de savoir si les projets comme Solana (SOL) et Cardano (ADA) vont être mangés à la même sauce que Ripple, et si les exchanges comme Coinbase, Kraken ou Binance vont devoir fermer leurs portes pour avoir vendu des unregistred securities.

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Pour ajouter une dose de stress au sein de l’écosystème blockchain, Joe Biden est élu 46e président des États-Unis d’Amérique le 3 novembre 2020. Puis, le 17 avril 2021, Gary Gensler devient le 33e président de la SEC.

Entre le début de ce procès et le verdict, la SEC s’est éloignée de sa mission et a commencé à entreprendre des actions de plus en plus hostiles à l’égard de l’écosystème, et c’est pour cette raison que le verdict était très attendu. C’est l’occasion d’avoir un regard neutre à l’heure où Gary Gensler semble avoir fait du procès Ripple une affaire personnelle.

Le procès Ripple touche à sa fin : les conclusions de la justice

Après plus de 3 ans, un bull run et un bear market, le procès de Ripple touche à sa fin. Le samedi 13 juillet 2023, la Juge Analisa Torres du Southern District of New-York, en charge du dossier, rend son verdict. Et le camp crypto crie victoire.

Mais arrêtons-nous un instant sur la décision de la Juge Torres et essayons de comprendre ses implications.

D'abord, la juge a rendu une partie de sa décision par summary judgment. C’est-à-dire qu’elle a jugé que la décision était évidente et ne nécessitait pas un débat devant un jury. Dès lors, il était presque sûr que la SEC ferait appel.

Et ce, car la SEC cherche une définition claire de la loi, un arrêt pouvant faire jurisprudence. Ce qui nécessite une décision rendue par la cour suprême, ou au moins par une cour d’appel, mais pas une simple décision rendue par summary judgment.

Ensuite, la Juge Torres n’a donné que partiellement raison à Ripple.

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Pourquoi ce jugement dans le procès opposant la SEC à Ripple est-il une victoire pour le camp crypto ?

Le 13 juillet 2023, dans le cadre du procès opposant la SEC à Ripple, la juge Torres prononce l’Opinion and Order suivant :

« Le XRP, en tant que jeton numérique, n’est pas [...] un contrat d'investissement. La Cour prend plutôt en compte [...] les techniques utilisées par les défendeurs concernant la vente et la distribution de XRP. »

Autrement dit, la juge fait la différence entre la cryptomonnaie XRP en soi, et le contexte dans lequel elle est vendue. Ce qui est célébré comme une victoire par le camp crypto.

Une différence qu’on retrouve dans le cas des matières premières comme l’or ou l’argent. Ces dernières ont beau être des commodities (valeurs mobilières), leur vente peut devenir un contrat d’investissement – security – en fonction du contexte de la vente.

Une décision qui vient contredire la SEC, qui considérait jusque-là que la quasi-totalité des cryptomonnaies étaient des securities par leur nature et tombaient de facto sous le joug de la SEC et des obligations liées.

Ainsi, au lieu de poursuivre toutes les entreprises cryptos, la SEC va devoir prouver que la vente de tokens constitue bien une vente de securities ce qui est un soulagement pour les entreprises du secteur.

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Il s’agit donc d’une victoire pour le camp crypto. Car cela implique que tous les crypto-actifs ne sont pas des securities. C’est l’approche défendue par le camp crypto.

Ce qui fait que les cryptomonnaies vont être ou non des securities, c’est le contexte de la vente. Dans le cas de l’affaire opposant la SEC à Ripple, la Juge Analisa Torres fait la différence entre 3 contextes :

  • Premièrement, la vente de tokens XRP aux investisseurs institutionnels, en amont de l’ICO ;
  • Deuxièmement, la vente de token XRP aux particuliers, via une Programmatic Sale sur les exchanges comme Binance et Coinbase ;
  • Troisièmement, la distribution directe de token XRP aux salariés et aux partenaires de Ripple Labs, Inc.

Le premier cas satisfait les 4 critères d’Howey selon la Juge Torres. Nous sommes donc en présence d’un contrat d’investissement, et donc d’unregistred securities. Pour ça, Ripple est condamnée le 7 août 2024 à une amende de 125 millions de dollars. Pour rappel, la SEC demandait 2 milliards pour l’ensemble des faits.

Le troisième cas quant à lui est écarté d’office car le test d’Howey implique un investissement d’argent, ce qui n’est pas le cas dans ces échanges en nature de type « service contre token ».

La « Programmatic Sale » au secours de Ripple Labs

Le deuxième cas est le plus intéressant.

La juge statue qu’il ne satisfait pas le 3e critère d’Howey, à savoir « investir en espérant un profit ». Pourquoi ?

Le secret réside dans la vente qualifiée de Programmatic Sale. Ripple a utilisé une vente algorithmique pour vendre des tokens aux particuliers sur le marché secondaire. La vente algorithmique est définie par la Juge comme « blind bid/ask transactions », c’est-à-dire des achats et des ventes comme on en fait sur Binance par exemple, pour lesquels on ignore qui est le vendeur ou l’acheteur.

Autrement dit, les acheteurs ont acheté du XRP sur un exchange crypto en pensant acheter à un particulier, alors que la transaction s’effectuait en réalité auprès de Ripple.

  • De ce fait, les particuliers ne pouvaient pas savoir qu’ils finançaient l’entreprise à travers leurs transactions ;
  • Et donc, ils ne pouvaient pas penser que leur achat allait permettre à Ripple d’investir et de développer ses services et d'accroître la valeur de l’entreprise ;
  • En conclusion, ils n’ont pas investi dans le but de financer directement l’entreprise pour réaliser une plus-value.

En d’autre termes, ils ne savaient pas qu’ils participaient à une levée de fonds. Ils pensaient juste acheter des tokens XRP à d’autres particuliers sur le marché secondaire. Ce détail sauve la mise à Ripple Labs, Inc. Du moins… provisoirement.

Pourquoi la SEC a-t-elle fait appel de son procès face à Ripple ?

Si la SEC a décidé de faire appel, ce n’est pas par esprit de vengeance comme on peut le lire sur Twitter.

Comme nous l’avons vu dans cet article, la SEC a opéré au cas par cas depuis 2013, passant chaque projet au crible. Même pour elle, ce manque de cadre est chronophage et contre-productif.

Le gendarme boursier américain cherche donc à trancher sur la question des securities. Or, pour ce faire, il a besoin d’une décision rendue par un jury, par une cour d’appel, ou par la cour suprême. Car dans ces cas-là, le procès se déroule sous forme de débats, et la décision finale peut faire jurisprudence.

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Conclusion sur la guerre menée par la SEC contre Ripple et les cryptomonnaies

L’intention de la SEC avec ce procès était presque louable en décembre 2020. « Aux États-Unis, les agences fédérales ont un pouvoir considérable pour interpréter et appliquer les lois existantes, ce qui explique pourquoi la SEC se retrouve à définir le cadre applicable aux cryptos, » précise Daniel Arroche, avocat associé chez d&a partners.

En d’autres termes, c’était bien le rôle de la SEC de définir un cadre, et le seul outil dont elle disposait était la jurisprudence, donc un procès rendu par un jury, par une cour d’appel, ou par la Cour Suprême.

Le problème, c’est qu’entre temps, la SEC a perdu pied avec la réalité.

Du good cop essayent de protéger les investisseurs et de définir un cadre, elle a totalement abandonné sa mission pour s’en prendre à chaque entreprise crypto florissante aux États-Unis, dans ce qui ressemble à une croisade personnelle contre l’industrie toute entière.

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Comme nous l'avons vu dans l'un de nos précédents dossiers, les cryptomonnaies font désormais partie des enjeux de campagne aux États-Unis, ces dernières ayant été abordées de manière plus ou moins importantes par les 2 candidats en lice, à savoir Kamala Harris et Donald Trump.

Donald Trump, qui a multiplié les déclarations (plus ou moins empreintes de sincérité) et qui a même lancé un projet DeFi avec ses fils, pourrait peut-être permettre aux entreprises américaines opérant dans le secteur crypto d'avoir un peu de répit vis-à-vis de la SEC.

Effectivement, l'ancien président a récemment évoqué la possibilité de remplacer Gary Gensler par Dan Gallagher, actuel directeur juridique de Robinhood, qui avait publiquement critiqué l'approche de la SEC en matière de cryptomonnaies.

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Expert en crypto-monnaie, Marc-Antoine a commencé son voyage dans le Web 3 aux côtés de David Prinçay (actuel président de Binance France) dans le Club Français des Cryptomonnaies. Depuis, c’est en rédigeant des articles dans les médias crypto les plus connus de France qu’il répand la bonne parole. Si vous avez lu un article sur la crypto, il y a de bonne chance pour que vous ayez lu un de ses articles. NFT, Blockchain, Web 3, DeFi, il n’y a pas un secteur qui lui soit étranger. Et n’allez pas lui demander quel est le prochain coin qu’il faut acheter : c’est un Bitcoin maximaliste (eh oui, personne n’est parfait).

Marc-Antoine Caen Poletti

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